A l’ère du numérique, la télévision française peine à séduire les jeunes qui se tournent désormais vers d’autres supports de diffusion. On assiste donc à l’émergence de web-séries concoctées par des auteurs très créatifs, bien décidés à s’éloigner du modèle qu’on nous a jusqu’ici asséner. Slimane-Baptiste Berhoun en fait partie.
Plébiscitée par les internautes J’ai jamais su dire non, la web-série écrite, réalisée et interprétée par Slimane-Baptiste Berhoun, continue de tracer sa route sur la toile. Elle sera même programmée le 16 octobre prochain dans le cadre de La Nuit des Formats Courts du 4e Festival Scénaristes en Séries d’Aix les Bains, parrainé cette année par Alexandre Astier. Entretien avec son créateur.
Ton parcours ?
A 12 ans, j’ai commencé à bidouiller la vidéo avec le caméscope de mon grand-père. En rentrant du collège, on filmait des sketchs avec Mathieu Poggi. Plus on le faisait, plus ça nous plaisait. C’était une aubaine parce que mon autre passion a toujours été l’écriture. Et, c’est donc tout naturellement que je me suis mis à concilier les deux. A la fin du lycée, je me suis orienté vers un BTS Audiovisuel, pour apprendre la technique de l’image. J’y ai découvert le travail de la lumière dont j’ignorais tout. Cela a donné un second souffle à mes bidouillages. En plus des dialogues, il y avait toujours un aspect technique à essayer. C’est à cette époque que j’ai fait la connaissance de François Descraques, avec qui je me suis mis à tourner. Je collabore avec lui sur Frenchnerd, en parallèle de mon métier “officiel” chez Brainsonic. J’y réalise des vidéos institutionnelles pour le web. C’est en suivant l’exemple de François que je me suis lancé dans J’ai jamais su dire non.
Ta casquette préférée entre scénariste, réalisateur et comédien ?
J’aime la liberté de pouvoir toucher à tout et la sensation d’être accaparé à 100% par un projet. Depuis toujours, je prends énormément de plaisir à écrire. Mais, j’accorde aussi beaucoup d’importance au côté pragmatique du tournage et de la réalisation. Plus les choses avancent, plus je découvre la partie technique de l’écriture et de la structuration d’une histoire. Je ne me destine exclusivement à aucune de ses casquettes car elles m’apportent toutes un plaisir différent. Pour le jeu, c’est un petit plaisir que je m’octroie. J’ai fait deux ans de théâtre entre 10 et 12 ans. Depuis cette époque, je me suis toujours dit qu’il faudrait que je m’y remette. Faute de temps en semaine pour prendre des cours, je joue dans ma série.
Quel est le pitch de J’AI JAMAIS SU DIRE NON ?
Cela raconte l’histoire de Tom, un type tout simple qui comme beaucoup de type tout simple manque de confiance en lui. Ne pas savoir dire non l’entraine malgré lui à subir sa vie plutôt qu’à la mener. S’il avait su dire non à sa collègue qui voulait coucher avec lui, et s’il avait dit non lorsque sa copine lui a demandé s’il avait quelque chose à se reprocher, il ne se serait pas fait plaqué du jour au lendemain. Il passe ainsi d’une vie de couple gentillette à une coloc musclée avec Mitch, un ami aux théorie fumeuses qui lui propose une méthode pour reprendre sa vie en main : la “Psycho Balls Therapy” ou “comment se faire pousser des balls dans la tête”. Malheureusement pour Tom, cette méthode ne semble pas encore tout à fait au point.
1er épisode de “J’ai jamais su dire non”
Comment se passe un tournage type ?
L’équipe est principalement constituée de collègues rencontrés à Brainsonic, la boite où je travaille, et d’amis issus du BTS. Travailler avec des volontaires garantit déjà une bonne ambiance sur le tournage ! Les premiers temps étaient un peu plus difficiles car j’avais clairement sous-estimé la charge de travail, notamment la difficulté d’être devant la caméra tout en contrôlant ce qui se passe derrière. Mais nous avons pris le rythme et les choses se passent de mieux en mieux. Je demande aux gens qui travaillent avec moi sur le tournage de ne pas se limiter à leur poste, mais au contraire de proposer des choses. Ainsi, l’ingé son nous a plusieurs fois fait changer les dialogues, les comédiens ont proposé des plans et le cadreur nous a donné des indications de jeu. Tout ceci est possible parce que les gens le font avec le souci de proposer des idées. C’est une des forces du flou artistique qui entoure les web-séries. C’est évidemment la même chose pour les comédiens qui prennent de plus en plus de liberté avec le texte pour se le réapproprier. On essaye de raconter tout ça à travers les épisodes bonus, les Editor’s Cut, où le monteur et moi revenons sur les rushes.
Comment s’annoncent les prochains épisodes ?
Les prochains épisodes seront plus longs, ils dureront une dizaine de minutes. Leur fréquence de mise en ligne est ralentie à 1/3 semaines car nous avons vu nos limites. L’idée c’est que nous fassions tous quelque chose dont nous puissions être fier, c’est à dire d’avoir au moins l’illusion que chaque épisode apporte quelque chose de nouveau. Cela nous demande plus de préparation, plus de post-production, plus de réflexion sur l’écriture. L’histoire se développe et permet maintenant à de nouveaux personnages de faire leur apparition. Je suis très heureux d’avoir pu faire jouer François dans l’épisode 9, en tant que nouveau mec d’Emma. L’intrigue au boulot de Tom va également s’étoffer de nouvelles têtes avec l’apparition d’un duo de “mesures” venues pour redresser la boite. Ce qui change le plus en somme, c’est l’apparition de “méchants”.
Ton regard face aux commentaires ?
J’y suis très attentif même si je les prends pas tous pour argent comptant. Nous avons sur le web la chance de bénéficier d’une réelle proximité avec les gens qui nous regardent. Il serait absurde de ne pas en profiter. Je lis donc tous les commentaires pour sonder les réactions des gens. Ce qui est bien passé, ce qui n’a pas fonctionné, ce qu’ils attendent… Heureusement pour nous, nous ne déclenchons pour l’instant que la sympathie ou l’indifférence. Pas de haine gratuite ni de commentaires assassins. Un commentaire de spectateur déçu est toujours difficile à lire, mais si son point de vue est expliqué ça devient très intéressant. Évidemment, il y a des moments où les remarques vont dans une direction très différente de celle que je veux donner à la série, dans ce cas il n’y a pas grand-chose à faire, si ce n’est espérer que les gens seront surpris du bon côté. Je suis toujours impressionné par le degré d’assiduité des fans qui remarquent tout, le moindre faux raccord est épinglé. Du coup, vu qu’on ne peut pas lutter, on a pris le parti d’en jouer sur Frenchnerd, en diffusant un épisode où on annonce le nombre de projecteurs à trouver, de caméra de les reflets etc…
Son court-métrage “Garde-Fou” avec Benoit Allemane
Que penses-tu du clivage qui existe entre la télévision et internet ?
Vaste sujet… Personnellement, je ne me reconnais pas du tout dans les fictions télé qu’on nous propose. Bien sûr, il y a des exceptions avec des séries comme Kaamelott et certains programmes de canal. N’ayant pas canal et ne rentrant jamais assez tôt pour regarder Kaamelott, finalement… je n’allume plus la télé. Il y a un clivage technologique évident. Et même si la télé jouit toujours de l’image de média roi, on s’aperçoit qu’elle court derrière le web avec ses programmes à la demande, ses replays, ses “pour aller plus loin rendez-vous sur notre site” etc… C’est certainement un point de vue générationnel, les fans de Joséphine Ange Gardien, des Cordiers et tous les téléfilms bien propres ne sont sûrement pas de grands consommateurs de vidéos sur le web. Le web qui a depuis le début une image de média cheap, où les vidéos sont mal filmées et composées à 95% de chiens qui font du skate et de bébés qui chantent, a pu paradoxalement développer une vraie créativité et une liberté de ton oubliée depuis longtemps sur le petit écran. Ce qui est encourageant pour nous les créateurs c’est de voir que de plus en plus d’argent est investi dans les campagne web. Les pubs y sont plus longues et les retombées plus quantifiables. Ce qui l’est moins, c’est que pour les réaliser, on fait appel à des équipes de cinéma… On ne se refait pas.
Tes séries préférées, films cultes ?
J’ai grandi avec les Retour vers le futur, Ghostbusters et Indiana Jones. En matière de série, j’ai été un très grand fan de Code Quantum, X-Files, Friends et maintenant Lost ou Dexter. Pour autant je ne peux pas dire que tout cela soit perceptible dans ce que je fais. Mon film préféré a beau être Bienvenue à Gattaca, lorsque j’écris je vais plutôt aller puiser dans l’univers de Devos ou même de Vargas. C’est étrange, mais je n’écris pas vraiment les histoires que j’irai voir. J’aime beaucoup le fantastique, mais je n’en ai jamais écrit. Finalement si je ne réalisais pas J’ai jamais su dire non, je ne sais pas si je la regarderai.
Quels genres de sites fréquentes-tu ?
Je ne suis pas un internaute chevronné. Entre mon boulot chronophage et la série, je passe beaucoup de temps devant un écran, mais assez peu à flâner. Bien entendu, je garde un œil sur Frenchnerd pour voir les retours sur les vidéos que je connais et celles que François met en ligne. Dailymotion est mon autre repaire. En zieutant la home pour tuer 10 minutes, je sais que j’arriverai à mon rendez-vous avec au moins une bonne demi-heure de retard.
Le Dr Henry Castafolt dans Le visiteur du futur
Des projets ?
Pour l’instant, terminer la saison 1 de J’ai jamais su dire non, me rendre compte que je ne suis que très partiellement satisfait et plancher sur une suite pour en gommer les défauts les plus apparents. Ensuite, continuer à contribuer à Frenchnerd, que ce soit via Les Grands Débats, Le Visiteur du Futur et croiser les doigts pour que nous puissions tous finir par en vivre.
Un dernier mot ?
Je trouve que la télévision est de moins en moins un Graal à atteindre. Certes, si la série était achetée nous ferions péter le champagne car cela voudrait dire que nous pourrions enfin nous y consacrer à plein temps, avec de nouveaux moyens et la possibilité de toucher plus de gens… Malgré tout, je ne me vois pas perdre la liberté de ton que nous avons actuellement, ni la possibilité d’avoir des retours directs du public. Lorsque j’ai commencé à travailler chez Brainsonic, je sortais d’une formation télé et cinéma. La qualité des vidéos qu’on faisait et le matériel utilisé me faisaient bondir. Trois ans plus tard, les choses ont bien changé. Nous sommes passé à la HD, les attentes des clients sont devenus plus fortes et j’ai même été amené à réaliser une pub TV. La frontière se fait plus ténue. Pourtant, le web conserve cet avantage miraculeux de permettre à tous ceux qui font de l’audiovisuel de trouver du travail et de s’y faire les griffes. J’espère vraiment que par l’intermédiaire du sponsoring ou du placement de produits les fictions du net vont bénéficier d’un business model viable.
En savoir plus sur Shunrize, le webzine avide de découvertes
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
slim continu comme ça on t’adore peut être qu’un jour tu deviendra plus célèbre que Mickeal Jackson inchalla:-)!!en tout cas tu démarres très bien.
je t’adore
soeurette
bravo mon frère tu es le meilleure!!!je t’adore
mon fils m’a montré le premier clip, absolument talentueux.
tous mes compliments pour :
– le naturel de l’écriture et du jeu
– le talent de l’équipe et celui de SLIMANE
– les formidables perspectives de cette série
grand bravo
Ce qui est agréable avec M. Slimane, c’est que sa maîtrise du français est impeccable… et que ça se ressent même lorsqu’il plonge dans le registre familier dans la série. Série très bien montée par ailleurs. Merci de nous la faire partager et bonne continuation !
J’essaie moi même de créer ma web série avec des amis, c’est un vrai projet en préparation mais je trouve cette interview très instructif à la fois au niveau du travail mais aussi des difficultés. Merci bien 🙂
On se retrouvera dans 10 ans quand nous seront célèbre !!
* jette un fumigène à terre et disparait dans la fumée en toussant et en criant “Bwahahaha !!” *
Très bonne interview !
c’est un plaisir de lire Slimane! 😉