Après The Priests et Svaha: The Sixth Finger, Jang Jae-hyun continue de s’aventurer sur les territoires de l’occulte avec Exhuma. Dans le cadre du 19e Festival du Film Coréen à Paris, j’ai pu le voir sur grand écran.
Le cinéma sud-coréen se démarque par son originalité et sa capacité à mêler les genres, ce thriller surnaturel s’inscrit incontestablement dans cette dynamique. Explosant le mur des 10 000 millions d’entrées au box-office local en à peine 32 jours, Exhuma n’a pourtant pas encore de date de sortie en France. Néanmoins, lors de cette projection parisienne, j’ai appris qu’il sera distribué par The Jokers Films. Bref, il ne faudra surtout pas le rater dès qu’il sera visible chez nous.
Exhuma : la tombe de tous les maux
L’histoire débute à Los Angeles. Elle suit Hwa-rim (Kim Go-eun) et Bong-gil (Lee Do-hyun), deux chamans recrutés par les Parks. Une affection que la médecine moderne ne parvient pas à soigner pèse sur le foyer de cette riche famille sud-coréenne. Pensant que l’origine des troubles provient d’un ancêtre tourmenté, le duo leur propose de déplacer ses ossements. Épaulés par Sang-deok (Choi Min-sik), un géomancien et Yeong-geun (Yoo Hai-jin), un expert en rites funéraires, ils procèdent donc à l’exhumation dans l’arrière-pays sud-coréen. Mais au cours de la cérémonie de purification une force encore plus malveillante émerge…
Voyage au bout de la peur
Aux oubliettes le gore inutile et les jump scares ! En effet, Exhuma nous montre plus habilement qu’il n’existe pas d’échappatoire pour ceux qui fouillent le passé. Palette automnale, nature désolée, lenteur hypnotique, plans rapprochés. Jang Jae-hyun distille langoureusement une mélancolie et une tension implacable dont le spectateur ne peut s’extirper. Et pour magnifier sa mise en scène particulièrement soignée, le cinéaste peut compter sur l’œil avisé de Lee Mo-gae (I saw the Devil, The Battleship Island). Fidèle complice de Kim Jee-woon, le directeur de la photographie nous précipite alors dans une atmosphère anxiogène qui côtoie les frissons de la mort.
Une équipe mortelle
Ici, Kim Go-eun (Little Women, The King: Eternal Monarch) et Lee Do-hyun (Sweat home, The glory), figures connues des K-Dramas, nous livrent une performance nuancée et assurée. Une maturité de jeu qui leur permet de tenir tête aux vieux routiers que sont Choi Min-sik (Old boy, I Saw The Devil) et Yoo Hae-Jin (Pandémie, Woochi, le magicien des temps modernes). De plus, à l’instar de Kim Go-eun qui a été coachée par d’authentiques chamans, notre excellent quatuor s’est nourri d’un gros travail de recherches. Un investissement opportun qui rend le récit ésotérique d’autant plus crédible à l’écran.
Exhuma : mythes et légendes
Chamanisme, pungsu, gwishin, oni, kitsune ou encore nure-onna. L’intrigue exploite largement le folklore coréen et japonais. On entrevoit notamment les traditions à l’égard des défunts, qui contrastent avec l’apparente modernité de la Corée du Sud. Une fascinante dimension culturelle où la géomancie joue d’ailleurs un rôle central. De nos jours, si l’urbanisme rapide ignore les principes du pungsu avec lequel la Corée du Sud s’est construite, des conglomérats comme Daewoo ou Samsung y ont encore recours pour influencer leur prospérité. Exhuma nous montre plus précisément l’importance des lieux de sépulture et leur impact sur les générations futures.
L’ombre de l’impérialisme japonais
Au-delà du mysticisme, Jang Jae-hyun se penche aussi sur l’histoire d’une famille hantée par l’héritage de la trahison qui fait écho au douloureux passé de son pays. Ainsi, il évoque à la fois la Guerre d’Imjin, l’Occupation japonaise et la Guerre de Corée. Car en dépit de leur proximité culturelle, les conflits au sujet de la mémoire de la colonisation japonaise de la Péninsule perdurent. Atrocités, travaux forcés, femmes de réconfort et division. Ce trauma ancestral peut paraitre obsessionnel, mais le Japon ne s’étant jamais officiellement excusé pour ces actes de barbarie, le pardon est loin d’être d’actualité.
Exhuma est un film riche qui explore avec brio des questions de pouvoir, d’identité et de résistance. Dans la même veine que The Wailing, il nous plonge dans les angoisses intimes d’une Corée déchirée par les fantômes de la colonisation. En termes d’originalité, de profondeur et de déstabilisation quant à l’origine du mal, il remplit ses objectifs. A voir sans tarder !
Exhuma (Pamyo) de Jang Jae-hyun. Épouvante-Horreur avec Kim Go-eun, Lee Do-hyun, Choi Min-sik, Yoo Hae-jin, Kim Jae-cheol et Kim Sun-young. Corée du Sud – 2h14 – Prochainement en salle
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