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Les Monteurs s’affichent 2020 : Dounia Sichov et Stéphane Elmadjian sortent de l’ombre

La 4e édition du festival Les Monteurs s’affichent se déroulera du 04 au 08 mars prochains au cinéma Luminor Hôtel de Ville à Paris. A la veille de ces 5 jours de projections et de rencontres autour du montage, Dounia Sichov et Stéphane Elmadjian ont répondu à mes questions.

Oscillant entre maîtrise technique et créativité, le travail de Dounia Sichov (Frost, projection le dimanche 8 mars à 18h) et Stéphane Elmadjian (Effacer l’historique, en salles le 22 avril 2020) reste encore méconnu du grand public. Pourtant, il joue un rôle fondamental dans la fabrication d’un film.

Pourquoi avoir choisi ce métier ?

Dounia Sichov : A 20 ans, j’ai fait un peu de musique sur ordinateur, dans mon coin. Découvrir le travail en salle de montage m’a émerveillée car c’était le même principe que pour la musique – trouver la respiration d’une œuvre – mais avec des images en plus. Voir comment les images, en les mettant dans un certain ordre, prennent une densité qu’elles n’ont pas dans un autre, et que cette dernière va influencer la respiration des spectateurs dans la salle et les nourrir, comme je l’ai été durant le montage. Du dérushage aux finitions, j’aime toutes les étapes du montage. J’aime aussi la relation particulière qui se tisse avec le réalisateur et la réalisatrice.

Stéphane Elmadjian : Ma mère était monteuse. A l’époque, les films se montaient en pellicule et je me rappelle qu’enfant, alors qu’elle me gardait les mercredis dans les salles de montage, avoir été impressionné par ses gestes rapides et précis. Très jeune, je voyais deux à trois films par semaine. Le cinéma me fascinait et mes parents m’en donnaient les clés. Le montage me paraissait être l’endroit où l’objet-film se compose et se met à exister. Je suis, le premier spectateur actif d’un film en devenir, ma fascination s’y déploie.

Comment travaillez-vous avec les réalisateurs ?

D.S. : Cela dépend d’eux. Souvent, les montages dont je suis le plus fière sont ceux où le réalisateur m’a laissée des moments de liberté. Quand c’est possible, j’aime dérusher avec le réalisateur, cela me permet de comprendre plus rapidement ce qu’il aime.

S.E. : La méthode n’est pas la même pour une série, un long-métrage, un documentaire… Le dérushage est crucial. Ce moment où l’on regarde les images pour la première fois, où l’on fait les premiers choix de plans, et où se compose le «premier montage» – certains l’appellent «Ours» -. C’est là que les premières sensations, les premières impressions et les premières compréhensions sont les plus justes. A ce stade, la présence de la réalisatrice ou du réalisateur est requise, mais il arrive souvent que ces derniers ne viennent dans la salle de montage qu’une fois le «premier montage» terminé. Le dérushage étant long et fastidieux, cela leur permet d’être plongés directement dans la narration et la forme potentielle du film. Ensuite, je suis leurs envies, m’efforçant de faire apparaître ce qu’ils désirent voir. Parfois, les aléas du tournage ne donnent pas ce qu’ils ont «rêvé», commence alors la véritable collaboration : construire le métrage en fonction de la matière filmique. Sous nos mains et notre regard, le film devient progressivement réalité dans sa complétude.

Les qualités à entretenir pour exercer ce métier ?

D.S. : Patience, organisation, ouverture, précision, écoute des autres et de ses émotions, une bonne mémoire mais aussi une bonne capacité d’oubli.

S.E. : L’amour du cinéma. C’est un métier difficile, il faut vraiment aimer ça. Je dirais aussi qu’il faut savoir se réinventer sans cesse et n’avoir qu’un seul principe : ne pas avoir de principe. Se laisser surprendre et rester humble devant la matière. Se cultiver sans cesse, rester à l’écoute. Ne jamais perdre sa rigueur, rien ne doit être laissé au hasard.

Des conseils ?

D.S. : Ne vous laissez pas décourager ! Quand j’ai voulu entrer aux formations de l’INA, on m’a refusée sous prétexte que je n’avais pas le réseau qu’il fallait car les gens me connaissaient en tant que comédienne et non en tant que technicienne. On m’a dit qu’il fallait d’abord “changer de tiroir” avant d’intégrer l’école. A la place, je suis allée aux Gobelins et j’en ai été enchantée. Il faut aussi être curieux en se rendant aux avant-premières, aux festivals, à des expositions, à la rencontre des gens. Regarder des films, voyager, lire des livres notamment sur l’écriture de scénarios. Bref, avoir quelque chose d’autre à apporter.

S.E. : Il y a bien des écoles où l’on apprend le montage, mais cela ne peut suffire. C’est un métier d’expérience. Il faut donc d’abord passer par l’assistanat pour apprendre ce que ce métier demande en matière de perfectionnisme, d’adaptabilité et d’objectivité. Puis, il faut monter, et encore monter. De tout… Du clip, du court métrage, du documentaire… Enfin, il me semble indispensable de cultiver son œil en allant voir des films, en ne se cantonnant pas à un genre, et bien observer. En ce qui me concerne, je continue d’observer les montages des films que je regarde.

Copyright Photos © Les Monteurs s’affichent


🎥 LA 4e ÉDITION DU FESTIVAL LES MONTEURS S’AFFICHENT

Du mercredi 4 mars au dimanche 8 mars, Les Monteurs associés te proposent donc de découvrir des documentaires et des fictions qui permettront de questionner les enjeux de ce métier.

Mercredi 4 mars à 20h15M
De Yolande Zauberman monté par Raphaël Lefèvre

Jeudi 5 mars 20h – Soirée courts-métrages
Avant que je m’en aille de Julien Baraze, monté par Nobuo Coste
Across my land de Fiona Godivier, monté par Giulia Rodino
Vaches sacrées de Delphine Benroubi, monté par Flore Guillet
Rue Garibaldi de Federico Francioni, monté par Giorgia Villa.

Vendredi 6 mars à 20hHigh Life
De Claire Denis, monté par Guy Lecorne

Samedi 7 mars
• 11h – Table ronde : la musique au montage avec Juliette Haubois (monteuse), Yannick Kergoat (monteur), Delphine Ciampi (compositrice), Eric Neveux (compositeur) et Benoît Basirico (critique). Entrée libre
• 14h – Ici je vais pas mourir de Cécile Dumas et Edie Laconi, monté par Charlotte Tourrès
• 16h30 – Que l’amour de Laetitia Mikles, monté par Emmanuelle Pencalet
20h – Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher, monté par Nelly Quettier

Dimanche 8 mars
• 11h – Jusqu’à ce que le jour se lève de Pierre Tonachella, monté par Aurique Delannoy et Florence Chirié
• 14h30 – Delfin de Gaspar Scheuer, monté par Anabela Lattanzio
• 18h – Frost de Sharunas Bartas, monté par Dounia Sichov
• 20h – Cyril contre Goliath de Thomas Bornot et Cyril Montana, monté par Yannick Kergoat et Arthur Frainet

Le Luminor Hôtel de Ville
20, rue du Temple 75004 Paris
7,50 €, cartes UGC et LE PASS acceptées + 2€, carte de 5 entrées à 29€
Plus d’infos sur le festival : https://festival.monteursassocies.com

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