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Cinéma | Looking for Eric – Critique

Eric Bishop, postier à Manchester, traverse une mauvaise passe. Sous son nez, ses deux beaux fils excellent dans des petits trafics en tous genres, sa fille lui reproche de ne pas être à la hauteur et sa vie sentimentale est un désert. Malgré la joyeuse amitié et la bonne humeur de ses collègues postiers qui font tout pour lui redonner le sourire, rien n’y fait… Un soir, Eric s’adresse à son idole qui, du poster sur le mur de sa chambre semble l’observer d’un œil malicieux.

Avant les Festivaliers de Cannes et avant sa sortie officielle sur les écrans le 27 mai prochain, j’ai eu le privilège d’assister hier soir à la projection du dernier film de Ken Loach : LOOKING FOR ERIC.

Je vous vois déjà venir et vous arrête tout de suite car ça n’est ni un film pour dépressifs, ni un documentaire s’adressant aux fans de “Téléfoot”. Si il est vrai qu’il reprend des thèmes chers au cinéaste britannique comme le réalisme social, celui-ci est empreint de légèreté et laisse une part belle à la comédie. Imaginez donc Eric Cantona en psy non conformiste fumant des joints tout en déblatérant des proverbes en Franglish et vous changerez peut-être vos a priori concernant ce film.

Dans une société où l’individualisme règne en maître, on ne peut nier l’effet rassembleur qu’à un match de foot ou de rugby et en cela on peut affirmer que les stades sont les derniers bastions de la communion. Ici, le film met en exergue la solidarité qui peut émaner d’un groupe d’hommes unis par la même passion. D’ailleurs, il est amusant de voir qu’en ce qui concerne ce phénomène d’identification à un groupe par le biais du sport, il y a un écho au sein même de l’équipe de tournage. Et pour témoigner de cette universalité des comportements, il y a notamment cette rivalité bon enfant bien connue entre supporters dont le chef monteur, Jonathan Morris nous fait part

Il se trouve que je suis un supporter d’Arsenal. J’avais fait en sorte qu’aucun but marqué contre Arsenal n’apparaisse dans le film… Il y en avait un sur la liste des buts que nous avions sélectionnés, un coup franc contre Seaman. J’ai usé de mon influence et de mon pouvoir pour m’assurer qu’il ne figure pas dans le film final…

De plus, axée autour de cette thématique, il y a l’histoire d’Eric Bishop. Cet homme, ce supporter de foot, ce grand-père qui s’est installé dans une existence médiocre qui trouvera en Eric Cantona un mentor lui permettant d’affronter ses démons personnels et ainsi de retrouver une confiance en soi perdue depuis près de 30 ans. Comme à son habitude, le réalisateur s’est assuré que les acteurs expriment de façon aussi vraie que possible les sentiments de leur personnage. Par exemple, la surprise affichée sur le visage de l’acteur principal Steve Evets lors de sa première confrontation avec Eric Cantona n’est pas feinte, Ken Loach nous raconte

Steve ignorait que Cantona allait jouer dans le film. Il savait seulement qu’il était impliqué en tant que producteur… J’ai dit à Steve, la lumière n’est pas bonne. Il va falloir qu’on mette du noir pour atténuer les reflets. Donne-nous dix minutes. Il est sorti fumer une cigarette, Eric Cantona s’est caché derrière un drap noir que nous avons placé autour de la caméra, puis nous avons joué la scène. Steve regardait en direction du poster grandeur nature de Cantona. Eric s’est glissé derrière lui et il s’est mis à parler. La surprise à été totale.

Si on ajoute à cela le fait que Loach laisse une part d’improvisation à ses acteurs cela rend les scènes particulièrement authentiques et efficaces. Un casting réussi, avec des acteurs quasiment inconnus mais qui jouent avec justesse. Qui plus est, cela aura eu le mérite de me faire une meilleure opinion sur les talents d’acteur d’Eric Cantona car ses précédentes prestations ne m’avaient pas vraiment convaincu. Ici, il incarne le Cantona qui existe dans notre imaginaire collectif, celui des Guignols, il arrive à prendre suffisamment de recul pour faire preuve de beaucoup d’auto-dérision et ce pour notre plus grand plaisir. D’ailleurs à propos des proverbes qu’il déclame durant le film, il explique que :

Tous les proverbes du film sont de Paul Laverty, le scénariste. Ils m’ont beaucoup fait rire quand je les ai lus – et je soupçonne qu’ils ont beaucoup fait rire Paul quand il les a écrits ! Cela ne me gênait pas du tout de les dire, au contraire : je les aimais beaucoup.

Je préfère ne pas vous en dire davantage et vous encourage plutôt à vous rendre dans les salles obscures lors de sa sortie le 27 mai prochain, vous ne le regretterez pas.

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