Toujours sans franchise, Colin Kaepernick fait à nouveau parler de lui hors des terrains de football. Mise en ligne le 29 octobre dernier sur Netflix, Colin en noir et blanc relate les premiers combats de l’ex-quarterback des 49ers de San Francisco.
Milwaukee, 1987. Né d’une mère blanche et d’un père noir, Colin Kaepernick est adopté par Rick et Teresa, un couple blanc dont il prend le nom. 2016. Il devient l’icône de la lutte contre les violences policières lorsqu’il pose un genou à terre, en signe de protestation, durant l’hymne national. Cinq ans plus tard, le prodige de la NFL est le héros d’une mini-série diffusée sur Netflix. Centrée sur son adolescence en Californie, elle propose un éclairage sur ce qui a forgé son militantisme, à l’aube de sa carrière de joueur professionnel. Application de doubles standards dans le sport et la société, micro-agressions affectant l’estime de soi (épisode 3, Road trip), résilience face à l’adversité ou encore colorisme (épisode 5, Crystal). Dans ces six épisodes, les préjugés et humiliations qui jalonnent l’existence de Colin se muent en véritable arène de discussions.
L’alliance idéale
A la fois créateur et narrateur devant la caméra, Kaepernick a fait appel à Ava DuVernay (Selma) pour le mettre en scène. Une collaboration évidente pour celle qui tient à valoriser les œuvres cinématographiques d’artistes noirs via son collectif ARRAY. Engagée contre le racisme systémique, la réalisatrice doit notamment sa notoriété à la série When They See Us qui retrace l’histoire vraie de cinq jeunes accusés à tort d’avoir violé une joggeuse à Central Park en 1989. Ici, ce savant mélange de drame intimiste et de manifeste didactique s’inscrit dans l’histoire d’une lutte séculaire pour l’égalité.
Une équipe de choc
Dans le rôle-titre, Jaden Michael (The Get down) rend instantanément attachante la complexité de Colin. Plus que les autres, l’enfant issu d’un couple mixte a effectivement du mal à définir ou à affirmer son identité. Blanc parmi les noirs, noir parmi les blancs, il doit souvent s’adapter à la perception des autres. Étant moi-même métisse, je comprends son cheminement identitaire et son désir d’en découvrir davantage sur son autre culture. Comme lui, j’ai d’ailleurs choisi d’embrasser mon héritage culturel noir, au lieu de refléter davantage ma culture blanche. Sans fioriture, Jaden retranscrit finement ce sentiment de confusion, de trahison et de colère réprimés par notre jeune athlète. Face à lui, Mary-Louise Parker (Weeds) et Nick Offerman (Parks and Recreation) apportent des touches d’humour en incarnant ces parents bien intentionnés qui banalisent bien trop souvent les discriminations dont leur fils est victime.
L’idéaliste
Après avoir vu la série, on comprend mieux son refus de se soumettre à un système injuste et sa volonté de vivre pleinement ses aspirations. Lâché par la majorité de ses sponsors, mis au ban d’une ligue traditionnellement conservatrice ou encore insulté de “fils de pute” par Donald Trump. Qu’importe les conséquences, Colin refuse de sacrifier ses principes pour l’argent ou la gloire. Nommé “Ambassadeur de la conscience” par Amnesty International, Prix “Eason Monroe” du courage de l’Union américaine pour les libertés civiles et auréolé du “Muhammad Ali Legacy Award” remis par le magazine Sports Illustrated. A 34 ans, l’activiste s’érige inlassablement en porte-voix de ceux qui peinent encore à être entendu. En effet, il a notamment créé et financé Know Your Rights Camp, une plateforme qui fait valoir les droits des personnes de couleur ainsi que Kaepernick Publishing, une maison d’édition qui met en avant les écrits issus des minorités.
Believe in something, even if it means sacrificing everything.
Colin Kaepernick
Soixante-sept ans après le début du mouvement pour les droits civiques, les États-Unis sont encore gangrénés par ses vieux démons. Malgré la multiplication des prises de paroles engagées depuis l’émergence du mouvement Black Lives Matter, les Afro-Américains subissent encore préjugés, injustices et violences. Dès lors, ce genre de témoignage, trop souvent raconté du point de vue des Blancs, s’avère plus que nécessaire pour prendre conscience de leur réalité et mieux lutter à leurs côtés.
© Photos – Netflix
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